APPEL À COMMUNICATION ET À PUBLICATION : La décolonisation de la muséologie: musées, métissages et mythes d’origine

ICOFOM propose un colloque autour de deux thèmes inspirés par le processus de renouvellement de la définition du musée (ICOM – Kyoto 2019) et des grandes tendances qui contribuent à transformer les musées (Mairesse, 2015 et 2016). Ces deux thèmes centraux soulèvent de nombreuses interrogations sur la mission première du musée. La décolonisation est au cœur de la remise en question fondamentale de la fonction sociale du musée. Conséquemment, ce sont les discours, voire les mythes d’origine des nations, qui sont contestés.

Communautés culturelles et « Premières Nations ». Plus que jamais, la question de la représentation des communautés culturelles et autochtones dans les musées fait débat. Il en est de même de la délicate question de la restitution des œuvres d’art et des collections aux communautés d’origine (Sarr et Savoy, 2018). Quelle place les musées accordent-ils à la culture des communautés culturelles et des premières nations dans les collections nationales et dans les expositions de synthèse consacrées aux grands récits nationaux ? Jusqu’où doivent aller les musées dans la décolonisation ? « Un musée (…) ouvert au public du champ social, se réinventant sans cesse, développant des partenariats (…) » (Eidelman, 2017, p. 88), le fait-il par la consultation avec les partenaires des différentes communautés culturelles ou des Premières Nations ? Par des partenariats dans la prise de décision relativement à des expositions les concernant ? Par une représentation au sein des conseils d’administration des musées ?

Décolonisation. Dans la perspective de la nouvelle proposition de définition du musée présentée à Kyoto, les musées s’engagent-ils dans un dialogue critique sur le passé et l’avenir des nations et des communautés ? Les musées envisagent-ils la voie de la décolonisation ou entretiennent-ils encore les mythes de sociétés homogènes ? Conséquemment, quelles sont les responsabilités des musées à l’égard de ces grandes tendances internationales ?

Mythes d’origine. Au Canada, comme dans de nombreux pays, la décolonisation pose la question de l’origine d’un pays et de sa propre culture. Cette problématique apparaît fondamentale dans les expositions de synthèses des musées nationaux qui proposent des récits donnant un sens aux mythes d’origine des nations (Bouchard, 2014; Lévi-Strauss, 2001) que l’on associe également aux mythes d’identification qui participent à la construction des identités collectives. Ainsi, jusqu’au début du XXIe siècle, les musées canadiens proposaient une histoire nationale qui débutait avec la découverte de l’Amérique par les Européens au XVIe siècle. La période de contacts entre l’Ancien et le Nouveau Monde devenant alors le point zéro de l’histoire et de la culture. Cependant, peut-on ignorer que les peuples autochtones, venus d’Asie, ont parcouru, occupé et transformé le territoire nord-américain pendant des millénaires avant l’arrivée des Européens ? Ces divers points de vue sont visibles dans les musées nationaux canadiens, mais il a fallu des actions d’éclat de la part de Premières Nations pour que les musées nationaux prennent conscience de la décolonisation et que les associations muséales et les gouvernements s’impliquent (Phillips, 2011; Clifford,
2013; Sleeper-Smith, 2009). En est-il toujours ainsi dans presque toutes les cultures dominantes ?

Se donner son propre musée. Les grands musées canadiens ont choisi au cours de la dernière décennie de revisiter l’histoire et la place des Autochtones dans les expositions permanentes consacrées à l’histoire du Canada. Démarche délicate dont peuvent témoigner les équipes de plusieurs musées (Kaine, 2016). Parallèlement à ce mouvement, les communautés autochtones ont commencé à se donner leurs propres musées afin de livrer leur version de l’histoire nord-américaine. Les communautés culturelles pourraient-elles emprunter cette voie ? N’y aurait-il pas, au final, un risque de ghettoïsation des cultures ? Comment équilibrer le retour des objets détenus par les musées nationaux avec leur devoir de fiduciaire envers la société civile qu’ils servent? Le biculturalisme du Musée Te Papa Tongarewa (McCarthy, 2007; Ross, 2013) en Nouvelle-Zélande constitue-t-il un modèle exportable ? Jusqu’où ?

Métissages et hybridations. En Amérique comme ailleurs dans le monde, l’histoire culturelle est faite de métissages et d’hybridations (Turgeon, 2003), s’opposant fondamentalement à l’idée même d’homogénéité des cultures. Les musées n’ont-ils pas tendance à opposer la pureté des origines au concept d’allochtonie qui désigne ce qui n’est pas originaire d’un pays. Mais la réalité des musées est plus complexe que cette opposition binaire, les objets comme les récits au cœur des institutions muséales témoignent du métissage des cultures. Quelles sont les responsabilités des musées à l’égard de ces
questions d’interprétation de l’histoire ? En somme, de quelles mémoires les musées témoignent-ils ? L’hybridation est un choix éthique autant qu’esthétique (Morin, 2016), pour privilégier la rencontre entre les peuples et entre les cultures. Elle ouvre la voie à une interculturalité créatrice. Les musées sont des lieux de diplomatie culturelle. Comment peuvent-ils participer à cette hybridation ?

Patrimoine culturel immatériel. Si le projet culturel, social et scientifique des musées consiste à témoigner de l’histoire « matérielle et immatérielle de l’Homme et de son
environnement », les musées ont longtemps fait l’impasse de l’histoire des premières nations (Ames, 1992; Phillips, 2011). De plus, les Premières Nations ont une conception autre de l’objet culturel que celle que retient traditionnellement un musée qui les possède (Clavir, 2002). On ne dira jamais assez le pouvoir de l’écriture qui permet d’affirmer l’autorité et l’appropriation. Chez les Premières Nations, l’histoire est longtemps restée orale et la culture s’exprime, comme l’a bien démontré Claude Lévi-Strauss, à travers des récits mythiques qui relèvent du patrimoine culturel immatériel. La reconnaissance des communautés culturelles et des cultures autochtones se révèle d’une grande actualité. Quelle place les musées doivent-ils leur accorder dans les musées nationaux ? Les musées doivent-ils répondre aux demandes des premières nations et des communautés culturelles en aliénant et en restituant les objets qui les concernent ? Comment les musées doivent-ils interpréter la contribution des diverses communautés culturelles à la culture nationale ?

Ces questions qui pourraient sembler propres aux musées nord-américains se posent de manière universelle. Ce sont les questions que nous proposons pour le symposium d’ICOFOM en 2020.

Modalités de soumission

Les articles, présentés sous une forme brève, sont attendus avant la conférence. Ils seront rassemblés, mis en page et distribués avant celle-ci, et discutés en ateliers durant la conférence.

  • Les contributions, très synthétiques (12.000 signes maximum, notes et références comprises comme précisé dans notre directive) seront envoyées pour le 31 mars 2020 (au plus tard) à l’adresse suivante : icofomsymposium@gmail.com. Ils respecteront les règles de mise en page d’ICOFOM. Les propositions devront intégrer l’un des axes d’analyse proposés. Elles seront écrites dans une des trois langues de l’ICOM (anglais, français, espagnol). La validation des propositions sera donnée dans les deux semaines suivantes.
  • Les textes colligés et mis en page seront envoyés à l’ensemble auteurs et des participants au colloque, en version électronique, durant le mois de septembre 2020.
  • Une sélection des contributions écrites sera opérée par les éditeurs, après le colloque, avec le bureau d’ICOFOM, qui seront invités à développer leurs articles dans un format plus long, en vue d’une publication dans ICOFOM Study Series, après un processus de révision par peer review.

Partenaires : UQAM, Université de Montréal, Université Laval, Université du Québec en Outaouais, Université du Québec à Trois-Rivières, CÉLAT, CIERA, ICOM Canada.

43ème SYMPOSIUM d’ICOFOM (Montréal – Québec, Canada) du 28 septembre au 2 octobre 2020

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