Musées, gouvernance & droit culturel

 

Au Canada comme sur la scène internationale, la fréquentation des musées représente une pratique culturelle de premier plan en constante progression (Mairesse, 2016. Janes, 2009). Cependant, les musées traversent une crise sans précédent qui remet en question leur survie ainsi que la pérennité des collections publiques (UNESCO, 2015). La chaire de recherche sur la gouvernance des musées et le droit de la culture entend innover, en privilégiant une approche systémique du monde muséal en convoquant, autour du concept de gouvernance, trois disciplines complémentaires : la muséologie, la gestion et le droit culturel. Cet arrimage entre muséologie, gestion et droit a commencé à prendre forme au sein de l’UQAM en 2016, avec la création d’une équipe de recherche formée de Lisa Baillargeon, de Yves Bergeron et de Pierre Bosset.

 

Muséologie, gestion et droit : une approche interdisciplinaire


En 2015, les états membres de l’UNESCO adoptaient la Recommandation sur la protection et la promotion des musées et des collections afin de protéger la diversité culturelle reconnue dès lors comme un enjeu majeur du XXIe siècle. Si « les musées et les collections sont les premiers moyens par lesquels les témoignages matériels et immatériels de la nature et des cultures humaines sont sauvegardés », ils subissent directement les effets des crises sociales, politiques et financières. Les attentats terroristes continuent de menacer les musées et le patrimoine mondial de l’humanité. Aux États-Unis, les tensions raciales incitent les autorités à déboulonner des œuvres d’art public, alors que les musées américains et canadiens retirent des œuvres jugées « controversées ». Les musées se retrouvent plongés dans une crise éthique de la mémoire collective. Sur la scène internationale comme en Amérique du Nord, les divers paliers de gouvernement réduisent leur soutien financier aux musées. Paradoxalement, les gouvernements exigent que les musées assument de nouvelles responsabilités, inscrites dans les lois et conventions internationales sur les musées, comme la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI), la protection des paysages culturels et du patrimoine in situ. Les musées doivent également composer avec de nouvelles valeurs collectives, associées au partage des responsabilités dans la désignation et la conservation du patrimoine. Considérant ce contexte international, les musées doivent revoir leurs modèles de gestion afin d’assurer une transition équilibrée entre une approche autocratique de la culture et concertée avec les communautés. Ainsi, le Conseil international des musées (ICOM) annonce, pour sa conférence générale de 2019 à Kyoto, l’adoption d’une nouvelle définition remettant en question le principe du musée comme « institution permanente sans but lucratif au service de la société ». Les musées sont dorénavant envisagés comme des entreprises culturelles (Mairesse, 2017). C’est pourquoi il devient impératif d’analyser des modèles de gouvernance et de gestion innovants tout en tenant compte des cadres législatifs et éthiques. Ces enjeux sont d’autant plus importants que les musées ont le mandat de favoriser la compréhension des différentes cultures et le « vivre ensemble ».

Au Canada comme à l’étranger, les formations en muséologie se sont structurées jusqu’ici selon une approche fonctionnaliste, en ignorant que le musée s’inscrit dans un écosystème complexe où culture, économie, droit, gestion et éthique sont imbriqués. Des solutions à la crise des musées résident dans l’étude de modèles historiques et émergents de gouvernance et de gestion muséale, comme l’écomuséologie, l’économuséologie, la muséologie communautaire et la muséologie participative. Bien qu’ils aient participé à la transformation profonde des musées, ces modèles alternatifs de gouvernance et de gestion n’ont pas fait l’objet d’analyses approfondies et comparées. La Chaire entend développer une approche écosystémique tenant compte des enjeux contemporains, afin de renouveler la recherche sur les musées.

Inspirés par la définition de la Société des musées du Québec (2005), la Chaire considère que la gouvernance constitue le fil conducteur entre les grandes fonctions traditionnelles qui structure l’écosystème du monde muséal.

 

La Chaire poursuivra deux grands objectifs :


1. APPROCHE ÉCOSYSTÉMIQUE

Innover en privilégiant une approche écosystémique du monde muséal à partir du concept de gouvernance, qui permettra de développer une coopération entre les trois champs disciplinaires complémentaires que sont la muséologie, la gestion et le droit. L’UQAM serait ainsi la seule université à adopter une telle posture contextuelle et critique pour l’étude et la formation en muséologie.


2. RECHERCHE FONDAMENTALE ET APPLIQUÉE

Inscrire la chaire dans une perspective de la recherche à la fois fondamentale et appliquée, afin de tisser des liens durables avec le monde professionnel. Elle vise à développer des outils de gestion adaptés pour le milieu professionnel. Ces outils feront l’objet d’études de cas et seront évalués afin de mesurer leurs impacts sur la gouvernance des musées et leurs incidences sur le développement durable de la culture. Nous serons ainsi en mesure de positionner l’UQAM sur la scène nationale et internationale de la recherche universitaire, en développant des liens étroits avec le monde des musées : le Conseil international des musées, l’UNESCO, l’Association des musées canadiens, la Société des musées du Québec, l’American Alliance of Museums.